Eglises et chapelles

Au moins dix lieux de culte catholique, existent ou ont existé, sur le territoire de Lachau, avec les titres suivants : église (ou chapelle) Saint-Michel, prieuré N.D. de Calma, église (ou chapelle) Saint-Martin, église du Très-Saint-Cœur-de-Marie, chapelles de la Madeleine, N.D. de Pitié, Saint-Sauveur, Saint-Claude, Saint-Antoine et Sainte-Catherine. Cette liste n’est pas exhaustive.

L’église (ou chapelle) Saint-Michel

L’église Saint-Michel, aujourd’hui disparue, semble avoir été l’église primitive de Lachau, du temps où le village était perché sur la bute de La Moute.

Le lieudit Saint-Michel, qui en perpétue le nom, est situé à quelques centaines de mètres en contre-bas de la Moute, au bord du chemin qui monte à la tour du Riable. Le cadastre de 1707 (f°419) y place « Le Simetiere de la chapelle de Saint-Michel ».

Cet emplacement se présente de nos jours comme une vaste plate-forme bordée par un talus empierré. Des tessons de tuiles, parmi les pierres, attestent d’une construction tandis que de petits bouts d’os, ramenés en surface par les travaux agricoles rappellent l’existence du cimetière.

Le prieuré et l’église Notre-Dame de Calma dite aussi N.D. de l’Assomption

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Pour Guy Barruol, l’église romane N.D. de Calma, classée Monument Historique en 1875, est le « joyau monumental de la vallée de la Méouge ». Construite à 800 m au sud-est du village, elle appartenait à un prieuré édifié, au cours de la première moitié du XIIIe siècle.

De nombreuses études lui ont été consacrées [1]. Nous nous contenterons donc d’en donner une description succincte. Nous traiterons plus en détail de son histoire.

Description du bâtiment

CPA , avant 1919 / Plan de l’architecte Epailly (1846)

Du prieuré médiéval, il ne reste aujourd’hui que l’église, en forme de croix. La présence des bâtiments conventuels, encore visibles en 1761, n’est plus rappelée que par une porte d’accès murée, dans le croisillon sud.

L’église est vaste, avec une longueur intérieure de 24,80 m, une largeur de 7,30 m et une hauteur sous voûte de 13,50 m.

Un escalier encastré dans le mur sud permet d’accéder au toit.

L’enfeu funéraire du croisillon sud, pourrait-être la sépulture du seigneur ou du prieur.

La décoration sculptée est très sobre et se limite à des feuilles stylisées sur les chapiteaux du portail et sur ceux de l’intérieur, à des visages très frustes sur deux de ces derniers et à une tête de bovin encastrée dans le mur de façade. Le portail à colonnes est surmonté d’un tympan peint, presqu’effacé, sur lequel on devine une vierge en majesté, entourée de deux anges.

 

Origine du prieuré

 

Nous ne savons rien des fondateurs du prieuré, aucune archive ne nous étant parvenue sur ce point.

Le donateur laïc doit être recherché dans la famille des Mévouillon-Lachau, seigneurs du lieu, qui, à plusieurs reprises, concédèrent des terres de leur vaste domaine à l’Eglise, notamment aux ordres chevaliers.

Si un prieur de N.D. de Calma est cité dans un acte de 1262 [2]., la première indication du rattachement du prieuré à un ordre religieux ne date que de 1330, avec une procuration des moines de Lagrand où apparait Humbert d’Artena, prieur de Lachau [3]. Deux actes du XIVe s. nous livrent le nom d’autres prieurs également issus de Lagrand : Pierre d’Oze, vers 1355, et Jean en 1358.

Le prieuré N.D. de Lagrand, dont dépendait alors N.D. de Calma, était placé depuis le XIe s. sous l’autorité de l’abbaye du St-Sépulcre de Jérusalem et d’Aquapendante, en Italie, une abbaye qui dépendait directement du St-Siège

Le prieuré eut-il un autre titulaire avant N.D. de Lagrand ? La recherche dans les listes des possessions des ordres et abbayes présentes au XIIIe siècle, dans les environs de Lachau, s’est avérée infructueuse. La construction du prieuré sous l’égide des moines de Lagrand semble donc l’hypothèse la plus vraisemblable.

 

Histoire

Au XIVe siècle, l’abbaye du St-Sépulcre d’Aquapendente est en déshérence. C’est dans ce contexte que, le 6 décembre 1365, le pape Urbain V, à la requête de Jean de Châteauvieux, prieur de Lagrand, détache Lagrand et ses dépendances de l’obédience de l’abbaye de St-Sépulcre pour les soumettre à Cluny [4].

A partir du début du XVe s., les comptes rendus des visiteurs de Cluny[5] puis ceux des visites pastorales[6] nous renseignent sur l’état du prieuré et sur ses desservants.

En 1400, l’état du prieuré est inquiétant. Les bâtiments conventuels se sont écroulés et l’église menace ruine, ce qui a contraint les religieux à se réfugier au village.

Dans les années qui suivent, le prieuré semble mieux tenu. En 1443, il y a sur place le prieur et un curé, tandis que le sacriste exerce son office à Saint-André-de-Rosans.

En 1446, il y a le prieur, le sacriste et un moine.

La situation change avec le déclin monastique. En 1470, les visiteurs de Cluny constatent que le prieur est un moine itinérant (gyrovague) qui ne réside pas sur place, « s’attribuant » ou prenant « avec force » les bénéfices des autres et délaissant son propre bénéfice. Comme le prieur de Lagrand semble soutenir le prieur de Lachau, les définiteurs de Cluny saisissent leur hiérarchie commune pour qu’elle remédie à cette situation [7].

Par la suite le prieuré n’est plus considéré par son titulaire que comme une source de revenus. Le prieur continue de résider ailleurs, confiant le service paroissial à un curé qu’il rémunère tandis que la perception des revenus du domaine est affermée à un laïque.

L’église est considérée comme paroissiale depuis au moins 1551 [8].

Au milieu du XVIe s., le prieur est Jacques Robaud, proche du chef protestant Montbrun. Il est lui-même converti à la religion réformée, ce qui lui vaut, en 1560, d’être démis de son bénéfice.

Pendant les guerres de religion, le prieuré est délaissé et ses revenus sont confisqués par René de la Tour Gouvernet, au profit des armées protestantes.

Alors que les guerres de religion s’achèvent, l’évêque de Gap, Pierre Paparin de Chaumont, parcourt son diocèse pour faire le bilan des destructions causées par la guerre. En 1599, il constate qu’il n’y a plus aucun religieux à Lachau. La voute de l’église Notre-Dame n’est pas couverte et son pavé est « mal accomodé »[9].

Lors de la visite de1612, l’évêque Charles Salomon du Serres demande que l’église soit restaurée [10].

Une pierre millésimé 1637, encastrée dans le mur nord, atteste d’une réparation de l’édifice à cette date de sorte qu’en 1641, les voutes et les murs sont en bon état. Il y a un grand tableau représentant l’Assomption de la vierge. La pierre des fonts baptismaux est fendue et il n’y a ni cloches ni clocher[11]. Le visiteur qui représente l’évêque ordonne que le cimetière soit clos et surtout réservé aux seuls catholiques.

En 1686, Philippe Arnaud, archiprêtre de Séderon, qui représente l’évêque, estime que l’église est « passablement propre ». Le cimetière n’est toujours pas clos[12].

L’église est toujours paroissiale, mais du fait de son éloignement elle est de moins en moins utilisée, au profit de l’église St-Martin, située dans le village. C’est ainsi qu’en 1687, l’évêque constate que des ornements et des meubles appartenant à N.D. ont été transportés à St-Martin. Cela vaut aux paroissiens et au curé d’être tancés par leur évêque qui leur ordonne de restituer ce qui a été emprunté et surtout de célébrer le service paroissial à N.D., hormis « dans les temps où l’incommodité des débords de la rivière ou autre trop vilain temps » empêcherait de s’y rendre [13].

En 1694, Charles-Bénigne Hervé ne trouve rien à redire sur la tenue du lieu, sauf à demander au prieur de fournir un marchepied pour le grand-autel et un cadre pour le devant de ce même autel. Il demande aussi aux consuls de faire installer une chaire pour le prédicateur [14].

En 1709, l’évêque ordonne au prieur de fournir un tabernacle et aux paroissiens de réparer les vitres.

En 1730 l’état de l’église s’est de nouveau détérioré. Des travaux sont réalisés si bien qu’en 1740, Claude de Cabannes estime que l’état de l’église est satisfaisant [15].

Pour l’embellir, son successeur offre, en 1748, un tableau neuf avec un cadre doré aux angles et au milieu [16].

Lors de la visite de 1761 [17], Pierre Annet de Pérouse constate que l’église de Notre-Dame a pratiquement perdu son rôle d’église paroissiale du fait de son isolement. Dans son rapport, il note que « cette église prieurale étoit … la véritable église paroissiale, avant que l’on se fût accoutumé … à faire toutes les fonctions curiales à la petite chapelle de Saint-Martin». Et il ajoute que « dans l’état où est cet édifice aujourd’hui on le prendrait plutôt pour un grenier à foin que pour une église. Il ne reste que les murs, à peine entrevoit-on qu’il y ait un autel … ». A l’extérieur, «  le mur latéral coté Lachau menace ruine ayant des lézardes et des ouvertures considérables ». L’évêque constate que le cimetière est dépourvu de clôture et ouvert à la divagation des animaux. Le jour qui suit, il prononce l’interdit de « l’église prieurale et paroissiale de Notre-Dame ».

En 1775, c’est au tour de Jouffroy Goussans de jeter l’interdit sur l’église.

Les registres paroissiaux nous apprennent que quelques notables obtinrent le privilège d’être enseveli dans l’église. Nous avons relevé quatre inhumations de ce type au XVIIe s. et quatre autres au siècle suivant.

Prieurs et sacristes de N.D. de Calma de 1560 à la Révolution [18]

Prieurs : Jacques Robaud (avant 1560), Jean Bussière (1560), Gaspard Robaud (+1580), Philippe Reynaud (1580), Jean et Hugues Verchières et Antoine Daurel (1584), Emeric du Bousquet (1584), Sébastien de Lyonne (1626), Alexis de Lyonne (1640), Humbert de Lyonne (1640), Charles de Lyonne (1647), Jean Arnaud dit de Courtois (1665), François Long (1670), Artus de Lyonne (1670), Charles de Lyonne (1698), Claude Bouchu (1698-1718), Jean Bouchu (1718), Jean Gassaud (1719-1734), Jean-Victor de Corio (1734-1754) et André-Mary Chapuis (1754-1776).

Sacristes : Pierre Armand (av.1575), Jean Peyron (1575), Sébastien Barillon (1630), Michel Lantois (1706), François Grégoire (1715), Jean Pausin (1712), Louis Boin (1730) et Jean Bizot (1755).

En 1791, le prieuré, avec l’église et son [19]domaine de 23 hectares, sont saisis et vendus comme biens nationaux à 16 associés qui revendent l’église aux paroissiens.

Au début des années 1840, Prosper Mérimée, en tant qu’inspecteur général des monuments historiques, s’intéresse à l’église mais renonce finalement à subventionner sa restauration.

L’église n’avait alors ni clocher ni croix comme le montre un projet de remise en état établi en 1846 par l’architecte Epailly.

Vers 1850, un legs permet de réparer le toit des chapelles (800 tuiles), de refaire la chapelle sud, de reconstruire le pilastre gauche et l’angle S-O et de rebâtir le mur N-O[20]. Le maître d’œuvre est Antoine Deluchi, un maçon d’origine suisse installé à Lachau.

En 1853, la commune demande que l’église soit classée monument historique. La Commission des monuments historiques inscrira l’église sur la liste de 1875. Cette inscription est reprise dans la liste du décret du 3 janvier 1889, pris en application de la loi de 1887 sur les monuments historiques.

De 1878 à 1891, des dons et des quêtes sont affectés à la réfection de la toiture dont les problèmes d’étanchéité sont récurrents.

Un projet de restauration, établi en 1893 par l’architecte Petitgrand, prévoit la réfection des couvertures et des charpentes, la restauration de la partie supérieure de la façade ouest, avec un clocheton surmonté d’une croix de pierre. Sa mise en œuvre dans les années qui suivent donne à l’église sa physionomie actuelle.

Au siècle suivant, des travaux d’entretien sont régulièrement entrepris. Les plus importants se situent en 1951, avec une réfection du haut des murs et la pose, sur le toit de la nef, de tuiles canal industrielles reposant sur des carreaux de terre cuite (en remplacement des dalles de pierre que l’on observe encore sur des photographies de 1946).

La croix de pierre du clocheton, détruite par la foudre en 1988 est remplacée peu après par une croix de fer et … un paratonnerre.

Un important chantier est mené en 2002, grâce notamment à des subventions européennes .Les travaux, conduit par Alain Tillier, A.C.M.H., permettent de sécuriser l’église, de la nettoyer et de la mettre hors d’eau. Des vitraux sont posés. Le sol est refait en béton lavé et l’intérieur harmonisé par un léger badigeon de chaux. Enfin, l’électricité est installée, pour permettre la tenue de manifestations culturelles [21].

De nos jours, l’église sert deux ou trois fois par an pour des concerts ou des expositions. Elle a servi de réfectoire lors du colloque de 2009. Elle est utilisée pour le culte à l’occasion de la messe du 15 août.

L’église Saint-Martin

Saint-Martin fut le principal lieu de culte du bourg du XIIIe s. jusqu’au début des années 1860. Elle était située sur l’actuelle place de l’église.

En application d’un accord passé en 1262 avec la communauté villageoise, le prieur de Calma avait l’obligation d’y faire célébrer le service et de fournir le luminaire du sanctuaire [22].

Elle est citée en 1444 mais nous ne savons pratiquement rien d’elle jusqu’au début du XVIIe s..

Après les guerres de Religion, l’église est dans un état tel que de gros travaux sont nécessaires, comme l’atteste une quittance de 30 écus signée vers 1630 par Michel et Vincent, maçons [23].

Cette reconstruction n’était pas d’une grande qualité puisqu’en 1641, il pleut dans l’église[24].

En 1687, Charles Benigne Hervé constate que l’église est sans voute ni lambris. Elle dispose de deux autels secondaires, l’un, côté de l’Epitre, dédié au St-Rosaire, et l’autre, côté Evangile dédié à la Sainte-Vierge. Elle possède deux cloches de un et de cinq quintaux. Elle sert aux pénitents blancs, mais elle supplante de plus en plus l’église paroissiale N.D.

En 1709, à l’occasion de sa visite, l’évêque ordonne au prieur décimateur de fournir un tabernacle doré et différents ornements et il enjoints les paroissiens de vitrer les fenêtres et de faire un lambris ou une voûte à la nef [25], ce qui fut fait pour les vitres, pour la somme de 22 livres [26].

Dossier 6 Img 4En 1730, François de Malissoles constate que cette église, qu’il appelle la chapelle des Pénitents, est parfaitement ornée et il prescrit son agrandissement selon un plan qu’il communique à la communauté [27].

En 1737, l’évêque promet aux consuls d’intervenir auprès du prieur de Ganagobie, pour que Saint-Martin devienne seule paroissiale et que la communauté n’ait plus à supporter la charge de deux églises : « il ne seroit pas juste de vous charger de deux églises paroissiales. Ce qui m’embarrasse fort, c’est que vous avez reconnu celle de Notre-Dame pour paroissiale et que vous vous êtes soumis à l’entretien de la nef ; ce sera chose difficile à dissoudre et qui ne pourra l’être que par un accommodement ou par arrêt ».

En 1740, Claude de Cabanes demande que Saint-Martin soit agrandie du côté du midi [28]..

Dans la seconde partie du XVIIIe siècle, l’église est devenue tellement vétuste qu’elle pose constamment problème.

En 1748, Jacques de Condorcet, constate les désordres et ordonne des travaux.

En 1757, c’est au tour de François de Jouffroy de faire le même constat.

En 1761, Pierre Anet de Pérouse note que la petite chapelle de St-Martin qui est devenu de fait l’église paroissiale, est « enterrée et très humide, en sorte que les linges que l’on met sur les deux autels latéraux pourrissent en quinze jours.». Le banc réservé dans le chœur au marquis de Montauban a été déplacé pour ne plus recevoir la pluie. Le bâtiment est en outre trop petit pour la population de Lachau, car il « ne peut contenir que le quart des paroissiens même avec le secours d’une tribune très profonde qui a été prolongée jusqu’à plus de la moitié de la nef de la chapelle ce qui arase si fort cette partie inférieure de la nef qu’elle ressemble plutôt à une cave qu’à un lieu consacré à dieu ». L’évêque ordonne en conséquence de construire une nouvelle église [29].

En 1775, Saint-Martin est toujours en très mauvais état. Elle est sans pavés, sans vitres, sans voûte, et il continue de pleuvoir dans le chœur et devant la porte.

Les paroissiens rechignent à faire les travaux nécessaires. A plusieurs reprises, les évêques doivent menacer d’interdire les églises de Lachau si des travaux ne sont pas faits. Comme cela ne suffit pas, ils mettent leurs menaces à exécution en 1749, 1757 et 1776. Les mariages et même les inhumations se font alors à Ballons.

Des travaux importants sont réalisés en 1776. Les paroissiens font agrandir la nef, mais ils estiment qu’il revient au prieur décimateur de ND de Calma, André-Mary Chapuis, de prendre en charge l’agrandissement du chœur, ce que celui-ci refuse. Ils engagent alors une procédure contre lui. Le Parlement de Grenoble leur donne raison dans un arrêt du 24 février 1780. Le prieur ayant fait appel, la décision est confirmée en 1781, mais Chapuis ne tient pas compte des injonctions qui lui sont faites, ce qui lui vaut d’être à nouveau condamné en 1785. Ces procès coutèrent 1291 livres à la communauté [30].

L’église s’écroule quelques années plus tard. En 1788, l’évêque fait bénir l’église « qui vient d’être reconstruite »[31]. Mal réparée, elle s’effondre à nouveau en 1803 [32].

Des travaux de fortune sont entrepris. Le 6 mai 1808, le maire demande à un architecte de Serres, André Andrioly, d’estimer le coût des travaux de restauration. Dans son rapport l’architecte constate que l’église n’a ni toit ni voûte et qu’une partie des murs est écroulée. Il note que les trois arcs doubleaux soutenus par six piliers que la commune venait de faire construire avaient été très mal disposés, et il ajoute qu’il aurait été plus judicieux pour les habitants de reconstruire l’église à neuf dans un endroit plus commode. L’estimation des travaux s’élève à 2.974,63 francs [33].

L’abbé Tardieu, nouveau curé de Lachau, fait alors réaliser des travaux pour soutenir la toiture. Comme il n’a pas les moyens de payer, il est poursuivi par les maçons et le chantier reste inachevé.

En 1845, le curé Martin et la Fabrique utilise le legs de Joseph Marcel pour faire installer deux autels de marbre, dédiés à la Sainte Vierge et à Sainte Philomène [34], par Joseph Tappia, de Marseille, ainsi qu’une nouvelle cloche de 520 kg, fondue à Marseille par Jean-Baptiste.

En 1850, on remplace une autre cloche qui datait de 1770 [35] et avait été brisée à la suite d’une maladresse. La marraine est Julie Plauche. Les parrains sont Jean-Pierre Alexandre Roux, curé, Marius Jarjayes, maire, et Jean-Baptiste-Hector Couren, médecin.

Mais l’église est toujours en mauvais état et trop petite pour un village qui compte désormais plus de 900 habitants. L’abbé Benoit prend les choses en mains et fait construire, entre 1859 et 1862, une nouvelle église de l’autre côté de la rue droite (cf infra).

Voici comment Auguste Augustinetty, expert nommé par le préfet de Nyons, décrit l’église Saint-Martin, en 1862, alors que la construction de la nouvelle église était déjà bien entamée :

« La longueur dans œuvre est de 22 mètres, sa largeur de 7 mètres. Le sanctuaire est rectangulaire ayant 5 mètres de largeur sur 4 mètres de profondeur ; la hauteur comprise entre le dessous de la clé de voûte et le dallage est de 7 mètres, il n’existe sur les côtés aucune chapelle.

Cet édifice est en très mauvais état, le mur Ouest est lézardé en plusieurs endroits, la voûte est également sillonnée de lézardes, l’arc qui sépare la nef du sanctuaire se trouve fendillé en tous sens, et s’est abaissé de quelques centimètres, on a été obligé de l’étayer avec une forte pièce de bois.

Le mur de face est également en très mauvais état. Le dallage de cette église se trouve en contre-bas du terrain ce qui procure aux murs une grande humidité qui se manifeste à une forte hauteur par l’effet de la capillarité.

Cette église ne peut être conservée dans cet état ; la laisser exister longtemps, ce serait compromettre la vie de la population, il convient qu’elle soit démolie. Le mur Est pourra seulement être conservé et être utilisé en reconstruisant avec les vieux matériaux une maison d’habitation. »

La décision de démolir l’ancienne église avait été prise, en 1860, par le conseil municipal. Elle n’est pas suivie d’effet et les deux églises, la neuve et l’ancienne, en ruines, coexisteront pendant plus de 20 ans. La démolition de l’église Saint-Martin ne sera entreprise qu’en …1884 et une partie de ses pierres servira à bâtir le pont sur la Lozance.

L’église du Très Saint Cœur de Marie

L’église paroissiale actuelle, dédiée au Très Saint Cœur de Marie, est l’aboutissement d’un projet dont l’initiateur est l’abbé Joseph Benoit, curé de Lachau.

Le terrain non construit, situé au S-O de l’église Saint-Martin, de l’autre côté de la rue Droite (actuelle Grand’Rue) est finalement retenu pour implanter la nouvelle église. L’abbé obtient de François Mathieu et de Ferdinand Audibert qu’ils lui cèdent les terrains nécessaires (les achats et les échanges seront régularisés en 1861).

Dossier 6 Img 5Pour trouver les fonds, l’abbé Benoit lance une souscription auprès des catholiques de France et de l’étranger. Il fait imprimer à cet effet, en 1860, un livret titré « Appel aux personnes charitables pour la reconstruction de l’église de Lachau : qui sera dédiée au Très saint et immaculé cœur de Marie ». Le projet est illustré par une lithographie (ci-contre).

La souscription est un succès. Elle permet de lever les fonds nécessaires.

Les premiers contrats avec les entreprises sont signés dès la fin 1859. Les prestataires retenus sont, Jacques Pique, Lazare Blanc, J.B. Pau fils, Joseph Morénas et Pierre Armand, pour les matériaux, et François Jean, pour la maçonnerie.

Le chantier commence le printemps suivant. [36]. Dès 1862, les travaux de gros œuvre sont réalisés, à l’exception de la voute et du clocher. Des éléments de mobilier viennent de Saint-Martin, comme le bénitier de marbre et deux autels, également en marbre. [37]

Voici comment Auguste Augustinetty décrit alors la nouvelle église :

« La nouvelle église construite par les soins et sous la direction de M. le desservant à une longueur dans œuvre de 29 mètres et une largeur de 9 mètres.

Deux chapelles latérales ayant 5 mètres de largeur sur 3 mètres de profondeur, forment avec la nef une croix latine d’un aspect gracieux.

Deux sacristies se trouvent sur la même ligne des chapelles, et sont adjacées au sanctuaire.

La hauteur comprise entre le dessous de la clé de voûte et le dallage sera de 13 mètres.

Dossier 6 Img 6Des pilastres et des arcs doubleaux diviseront la nef en plusieurs parties égales, dans ces divisions, il sera construit des voûtes d’arêtes. Le sanctuaire a une forme semi-circulaire, moins élevé dans la nef et d’une proportion convenable.

La porte principale est très grande elle est en plein cintre formée de colonnettes et d’arcs en forme de boudins, et plate bandes correspondant à ces colonnettes.

La toiture est supportée par des fermes en bois convenablement disposées et présentant assez de résistance.

L’église est éclairée par plusieurs fenêtres ouvertes, soit dans le sanctuaire, soit dans les murs de la nef. Un œil de bœuf de grande dimension se trouve sur la façade.

Le clocher sera élevé dans le mur de face, ses dimensions qui sont de 5 mètres de côté, seront prises dans l’intérieur de l’église, pour cela on a disposé des arceaux présentant assez de résistance pour supporter le poids de la maçonnerie et ne nuisant nullement à l’entrée de l’église

Les maçonneries de cet édifice sont exécutées avec soin et avec de bons matériaux ; les épaisseurs des murs ont des proportions suffisantes ; les arcs doubleaux se trouvent contrebutés extérieurement par des contreforts.

Le massif de maçonnerie que forment les arcs intérieurs devant supporter le clocher est en maçonnerie de moellons smillés ; les arcs doubleaux, les pilastres, les angles des fenêtres sont également en moellons smillés.

La porte, l’œil de bœuf, les angles du mur de face et les plinthes sont en pierre de taille de belle et bonne qualité.

L’église nous a paru être bien établie en fondations, et les maçonneries parfaitement exécutées.

Il ne reste plus à faire que les voûtes et le clocher pour que toutes les maçonneries soient terminées, il restera à faire les crépissures, lissages, dallage et autres travaux d’intérieur.

Les proportions de cette église et les dimensions des murs nous ont parues être de très bon goût offrant toute la solidité désirable et répondant aux besoins de la population. »

  1. Augustinetty estime le coût des travaux faits à 12 000 francs, ceux à faire à 15 000 francs, auxquels il faut ajouter 10 000 francs pour l’achat du terrain de la nouvelle église et celui de trois maisons pour l’agrandissement de la place située sur le devant de l’église, soit un total de 37 000 francs.

L’évêque de Valence consacre la nouvelle église le 21 avril 1863. Selon le souhait de l’abbé Benoit elle est dédiée au Très Saint Cœur de Marie. [38]

A la fin de l’année, le marché de la construction du clocher est attribuée à J.F., Jean et Baptiste Moulet [39]. Elle est engagée en mai 1864, avec une toiture plus modeste que celle qui avait été envisagée à l’origine. Le chemin de croix est installé la même année [40].

La propriété de la nouvelle église est transférée à la commune en 1867, après quelques péripéties que nous évoquons par ailleurs [41].

Le campanile en fer du clocher, forgé à Nîmes par M. Cavalier, et l’horloge publique, fabriquée à Lyon par Arsagon, sont installés en 1891 [42]. La cloche qui sonne les heures est baptisée Jeanne Marie Sabine. Sa marraine est Sabine Lambert et son parrain Marius Armand [43].

La chaire, construite vers 1870, est l’œuvre de Sauveur Morel, menuisier à Lachau.[44]

Les chapelles

Sur le territoire de Lachau, nous avons recensé sept chapelles qui toutes ont disparu.

La chapelle de la Madeleine (Sainte-Marie-Madeleine) était située au nord du village. Elle est mentionnée en 1356 dans le censier des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem [45]. En 1707, il n’en restait plus que le sol et les ruines. Elle n’est plus signalée aujourd’hui que par ses fondations qui servent de base à une maison moderne et par un gros tas de pierre.Selon l’abbé Mathieu, originaire de Lachau, les femmes s’y rendaient pour faire leurs relevailles après leurs couches [46].

La chapelle N.D. de Pitié servait à la confrérie des pénitents blancs. Vers 1630, le conseil des habitants donne accord pour l’achat du jardin Joubert, afin d’y bâtir cette chapelle que les pénitents avaient commencée au milieu de la place du Marchaiou [47]. Elle n’était plus utilisée en 1730, les pénitents assurant leurs services dans l’église Saint-Martin.

La chapelle St-Sauveur était située au quartier du même nom (Sanctum Salvatorum en 1356). A la Révolution, il y avait là une petite chapelle de 9 m x 3 m qui fut vendue comme bien national [48].

La chapelle Saint-Claude, bâtie vers 1640 par Joseph Passard[49], se trouvait à la sortie du village, à gauche en allant vers N.D. de Calma. Des mariages y sont célébrés en 1667 et 1676 [50]. Elle est citée, en 1687, dans le compte-rendu d’une visite pastorale qui dit qu’entre ND de Calma et le village « avons visité une petite chapelle sous le titre de Saint-Claude, voûtée, pavée et blanchie, fermée d’un balustre de bois de noyer, l’autel sans aucun ornement » et l’évêque demande que l’autel soit pourvu dans les six mois des ornements dont il donne la liste, faute de quoi, la chapelle sera démolie [51].

En 1761, l’évêque fait enlever la pierre sacrée de la chapelle « étant donné l’indécence totale dudit édifice pour y célébrer la sainte messe. Simultanément, il prononce l’interdiction de cette chapelle[52]. Saint-Claude fait partie, en 1793, des biens confisqués au prieuré de Calma [53].

Le 9 septembre 1813, alors que la chapelle était tombée en déshérence, la commune vendit son emplacement à François Jullien pour la somme de 26 francs [54].

 

Une chapelle Saint-Antoine se trouvait à l’ouest de Notre-Dame de Calma. Elle n’existait plus à la fin du XVIIIe siècle [55]. Un petit oratoire en conserve la mémoire.

 

Sainte-Catherine est citée dans une ordonnance du 4 février 1530 de l’évêché de Gap qui nous apprend la collation (attribution d’un bénéfice ecclésiastique) de cette chapelle, résignée (renonciation à un bénéfice) par Jean Marcelhie, à Georges Marcelhie, clerc de Serres [56]. Elle était vraisemblablement située près du quartier du Luminaïre où le cadastre de 1707 situe un quartier et un rocher dits de Ste-Catherine. Alexandre Vernin émet l’hypothèse d’une chapelle sise dans l’église St-Martin.

Une chapelle privée se trouvait dans le château. En 1786, l’évêque permit d’y faire dire la messe [57].

L’existence d’une chapelle St-André n’est pas établie, mais probable. L’hagiotoponyme Saint-André est cité dans le censier de 1356, qui mentionne un chemin allant de Saint-Michel au col Saint-André [58]. Le collum de Sancte André est mentionné en 1444. Le cadastre de 1707 permet d’assimiler ce lieu au petit col situé au sud de la tour du Riable (Coulet et Plane de St-Andiol). A cet endroit, une petite plate-forme constellée de moellons pourrait avoir été le soubassement d’une chapelle proche du castrum de Ballon-Lotron (la tour du Riable).

Nous ne savons pratiquement rien de la commanderie des Templiers que l’on situe sur la rive droite de la Lozance et qui devait comporter une chapelle.

Les lieudits St Pierre, Saint-Marc ou St-Marcel sont-ils la trace toponymique de chapelles disparues ? cette question est à ce jour sans réponse.

[1] Les études les plus complètes sont celles de Guy Barruol, Provence Romane 2, Zodiaque (1981), p.338 et Actes du colloque de Lachau (2009), p187 – et, sur la restauration de l’édifice, celle d’Alain Tillier, Actes précités, p.199.

[2] Lacroix, Arrondissement de Nyons, T1, p.360 (1888)

[3] RD 25018

[4] M.Riant, La donation d’Hugues de Toscane au St-Sépulcre, dans Mémoires de l’Institut National de France,T31, p.190-195 (1884)

[5] Visites des années 1400,1410,1433,1435,1443,1446,1449,1470 étudiées par Arlette Playoust dans son intervention au colloque de Lachau sur l’ordre de Cluny dans les Baronnies (2009). Voir également G.Charvin Statuts, chapitres généraux et visites de Cluny, Paris 1965-1982

[6] AD26, E3186 (années 1709, 1730,1740,1775) et AD05 G779 (1599), G784 (1641), G787 (1712), G790 (1761)

[7] Arlette Playoust, précitée

[8] AV, p.176

[9] AD 05 G779

[10] AD05,

[11] AD05 G6784, f° 228

[12] AD05 G786, f°367

[13] AD 05, G 758

[14] AD 05 G786

[15] AD 26 E3186 (1709, 1730, 1740 et 1775)

[16] AL, p.360 – Ce tableau, très dégradé, représentant la vierge, a été retiré en 2002

[17] AD05 G790

[18] AD 05, G 803 à 878

[19] PLL N°2,p.8

[20] Legs de l’épouse de Jh Martin dit Canelle (Histoire religieuse, année 1850,abbé Loche)

[21] Alain Tillier, ND d Calma, les restaurations, Actes du colloque de Lachau (2009)

[22] AL, p.360 et AD26, E 3186

[23] AD26, E 3165

[24] AD05 G784

[25] AD26, E 3186

[26] AD26, E3176

[27] AD26, E3186

[28] AD26, E3186

[29] AD 05 G 790

[30] AD26, E3186 et Lacroix, p.363

[31] AD 05, G 982

[32] Lacroix, p.363

[33] Archives de la cure de Mévouillon, doc.1

[34] Archives de la cure de Mévouillon, doc. 5

[35] Voir histoire de l’abbé Loche, années 1845 et 1850 et Archives de la cure de Mévouillon, doc7, 9, 10

[36] Archives de la cure de Mévouillon, doc. N° 18, 20,26

[37] Abbé Loche, Histoire religieuse de Lachau, années 1850 et 1907

[38] Abbé Loche, année 1863

[39] Archives de la cure de Mévouillon, doc.n°30

[40] Abbé Loche, année 1864

[41] Archives de la cure de Mévouillon, doc. N°32

[42] Abbé Loche, année 1891

[43] PLL N°13,p.18

[44] PLL N°13, p.26

[45] Alexandre Vernin et Pierre Morard, Topographie et toponymie de Lachau, p.5

[46] Lacroix, p.354

[47] AD26, E3153

[48] Alexandre Vernin   p.177, Selon Lacroix (p.354 Histoire de l’arrondissement de Nyons, 1893,T2 ? p.353), elle fut construite peu avant la Révolution et ne fut jamais consacrée.

[49] AD05 G784

[50] Cf BMS de ces deux années

[51] AD 05, G 785, f° 597 et 600

[52] AD 05 G 790

[53] Lacroix, p.353

[54] Archives P.Morard

[55] Lacroix p.353

[56] AD05, G 831

[57] AD 05, G 977 et 990

[58] Alexandre Vernin et Pierre Morard, p.177